Ce cours n'a aucunement la prétention d'être un cours de cristallographie. Il ne sera donc ni exhaustif (et de très loin s'en faut !), ni franchement rigoureux.
Son but est de permettre la compréhension des principaux phénomènes de conduction qui se produisent dans les semi-conducteurs, afin de pouvoir interpréter leur comportement.
Cet exposé sera donc plus proche de la vulgarisation que du cours académique, mais compte tenu du but recherché, il sera largement suffisant pour comprendre les phénomènes sans rentrer dans les détails fort compliqués de la théorie de la conduction.
Les personnes désireuses d'approfondir cette partie (tout en conservant une vue d'ensemble) pourront se référer (entres autres) à l'ouvrage Matériaux de l'électrotechnique de P. Robert édité chez Dunod (collection Traité d'électricité, d'électronique et d'électrotechnique ).
A noter que des connaissances approfondies en cristallographie ne sont indispensables que pour l'électronicien désireux de se spécialiser en micro-électronique (conception de circuits intégrés). On peut donc parfaitement s'en passer si on se contente d'assembler des composants discrets !
Dans l'optique de ce cours, elles vont nous permettre de comprendre l'essentiel du fonctionnement des composants utilisés sans avoir à parachuter trop de notions qui resteraient alors incomprises.
Tout le secret de l'électricité réside dans la capacité de la matière à laisser circuler plus ou moins bien des charges électriques en son sein sous l'influence d'un champ électrique externe.
Les composants électroniques obéissent aux lois générales de l'électricité (revoir le chapitre I), et donc répondent à la définition précédente.
La différence avec les composants électriques traditionnels se situe dans le matériau conducteur utilisé, qui va autoriser un meilleur contrôle de la conduction électrique, et donc des fonctionnalités nouvelles.
L'électronique va alors se distinguer de l'électricité par des composants dont on pourra moduler la conduction à l'aide de signaux électriques, chose impossible avec les composants simples de l'électricité.
Il est par conséquent utile de rappeler en introduction que tout ce qu'on voit en électronique est totalement dépendant de la physique des solides, et qu'un aperçu de cette dernière est indispensable pour comprendre le fonctionnement des composants électriques et électroniques.
Les atomes sont des particules de base constituées d'un noyau autour duquel gravitent des électrons.
Le noyau est composé de protons, particules élémentaires chargées électriquement à la valeur +e, et de neutrons, sans charge.
Les électrons sont des particules chargées électriquement à la valeur -e. Ils tournent autour du noyau sur des orbites définies et ont une masse négligeable vis à vis des neutrons et protons (qui ont eux environ la même masse).
La charge électrique élémentaire vaut e = 1,6E-19 C (C pour Coulomb, unité de charge électrique).
Les orbites des électrons ont des dimensions très grandes vis à vis de celle du noyau, et l'ensemble de l'atome est électriquement neutre, car il comprend autant de protons que d'électrons.
Les électrons se répartissent sur des orbites différentes qui forment des couches. Les couches sont remplies par les électrons dans un ordre bien déterminé. Dans la mesure du possible, ceux-ci s'assemblent par paires. Quand ce n'est pas possible, ils restent célibataires .
Quand l'atome possède plusieurs couches d'électrons, les couches profondes contiennent un nombre d'électrons indépendant de l'atome considéré. C'est la couche périphérique qui fait la différence.
Dans la matière, les atomes la constituant se combinent entre eux de manière à lui donner une certaine cohésion.
Macroscopiquement, ces liaisons, appelées valences, vont donner la consistance du matériau : gaz, liquide, solide plus ou moins dur, structure cristalline
Pour la suite de l'exposé, nous allons décrire seulement deux types de valences ; il en existe d'autres que nous n'aborderons pas.
Ces deux liaisons sont :
Les atomes se lient entre eux en mettant en commun des électrons célibataires de la couche périphérique (électrons de valence). Ces électrons s'associent en paires et appartiennent en commun aux deux atomes participant à la liaison. De ce fait, les liaisons obtenues sont très robustes : il faut leur fournir une énergie importante pour les casser.
Dans ce type de liaison, les électrons mis en commun restent très liés aux atomes qui les fournissent. Ils ne peuvent pas circuler facilement dans la matière.
Dans ce cas de liaison, ce ne sont pas deux atomes qui mettent en commun un ou plusieurs électrons pour se lier ; un grand nombre d'atomes mettent en commun des électrons célibataires.
Les atomes ainsi dépouillés de leur(s) électrons(s) deviennent des particules non neutres du point de vue charge électrique (des ions).
Ils forment un réseau cristallin et baignent dans un nuage d'électrons très mobiles appelés électrons libres.
Lorsqu'on applique un champ électrique extérieur sur un matériau, on a conduction si on observe la circulation d'un courant électrique dans le matériau.
Ce courant est dû au déplacement de charges électriques dans le matériau.
Ce champ va créer des forces sur les charges électriques présentes dans le matériau :
Si la charge q est positive, la force et le champ sont de même sens, si elle est négative, ils sont de sens opposés.
Pour que des charges se déplacent dans un champ électrique, encore faut-il que ces charges mobiles existent. Les paragraphes qui suivent vont faire le lien avec les types de liaisons atomiques vues précédemment.
Dans le cas des matériaux isolants, on a affaire à des liaisons de type covalente : les électrons célibataires de la couche périphérique forment tous des liaisons avec leurs homologues issus d'autres atomes adjacents. Les liaisons sont robustes, et les charges potentiellement mobiles (les électrons) restent liées aux atomes auxquelles elles appartiennent.
On a beau appliquer un champ électrique sur ces matériaux, aucun courant électrique ne circule, car il n'y a pas de charges mobiles.
Il faut noter que les isolants sont aussi importants que les conducteurs en électricité et en électronique, car ce sont eux qui permettent de canaliser les courants électriques là où on le désire. Ils vont s'intercaler entre les conducteurs, et aussi assurer la protection des usagers (gaines isolantes, enrobages de câbles ).
Les liaisons des atomes composant les matériaux conducteurs sont de type métallique. Nous avons vu précédemment que dans ce type de liaisons, chaque atome libère un électron qui peut circuler librement dans le cristal.
En l'absence de champ électrique extérieur, ces électrons se déplacent dans un mouvement désordonné, et, statistiquement, la somme de tous les déplacements est nulle : il n'y a pas de courant électrique généré spontanément (ce qui serait l'équivalent du mouvement perpétuel en mécanique !).
Par contre, dès qu'on applique un champ électrique extérieur au matériau conducteur, les électrons vont circuler dans un sens bien déterminé par le sens du champ électrique, créant un courant important.
Tout le monde connaît la loi d'Ohm :
Cette loi est interprétable au niveau atomique. Nous allons en donner les principales formulations ci-dessous.
Certaines équations sont bien entendues parachutées, notamment celle qui paraît la plus simple, à savoir la mobilité des charges. Elle découle de la théorie du modèle boules de billard , qui assimile les particules en mouvement à des boules de billard qui se déplacent aléatoirement et qui s'entrechoquent. Nous n'entrerons pas dans cette théorie. On se reportera à l'ouvrage pré-cité (p.50) pour de plus amples renseignements.
De tout ce qui a été dit précédemment, on se doute qu'un des principaux paramètres qui va décrire l'aptitude d'un matériau à conduire le courant électrique est la mobilité des charges électriques présentes dans ce matériau.
On le définit dans la relation suivante :
µ est la mobilité des charges exprimée en m2 /Vs, v la vitesse de déplacement de ces charges dans la matière, et E l'intensité du champ électrique appliqué sur le matériau (exprimé en V/m).
Le courant électrique est le débit de charges électriques circulant dans le conducteur d'une section S donnée, à savoir la quantité de charges électriques qui vont traverser cette section par unité de temps :
où n est le nombre de charges traversant la section S de conducteur à la vitesse v. Chaque particule est chargée à la valeur élémentaire e = 1,6E-19C.
Cette définition est tout à fait assimilable au débit d'eau dans une conduite.
On voit ici que le courant dépend de la section du conducteur. Pour caractériser le matériau, on va utiliser une définition faisant abstraction de cette section : c'est la densité de courant.
La densité de courant J est tout simplement le rapport de l'intensité à la section, soit :
La densité est proportionnelle à la mobilité des charges, à leur nombre, et au champ électrique appliqué.
Si on reprend l'équation [1] et la figure 2, on peut remplacer E par sa valeur dans l'équation [5], soit :
C'est la loi d'Ohm. La résistance R du tronçon de matériau de section S et de longueur L est égale à :
Par définition, on appelle la conductivité la valeur :
La résistivité est l'inverse de la conductivité, à savoir :
Une autre forme de la loi d'Ohm est dans ce cas :
Exemples de valeurs de résistivité :
= 1E12 m pour le diamant (isolant)
= 1,7E-8 m pour le cuivre (conducteur)
La température, en augmentant, va accroître l'agitation des particules dans la matière, et ainsi gêner leur déplacement lors de l'application d'un champ électrique externe. La résistivité du matériau va augmenter.
Cette augmentation de la résistivité avec la température est une loi linéaire, et peut se mettre sous la forme :
a est la constante du matériau, o la résistivité à To et la résistivité à la température T.
a vaut 4E-3K-1 pour le cuivre. Cela signifie que la résistance d'un conducteur de cuivre va varier de 1% tous les 2,5°C. On en tiendra compte lorsqu'on fera de telles mesures !
Nous venons de voir que les charges électriques sont plus ou moins libres de circuler dans la matière sous l'influence d'un champ électrique externe. Cette propriété nous a permis de distinguer les isolants (liaisons très robustes, charges électriques très peu mobiles) des conducteurs (liaisons fragiles, charges très mobiles).
Les semi-conducteurs se situent entre ces deux extrêmes (d'ou leur nom !). On va aussi pouvoir obtenir les caractéristiques désirées en appliquant les transformations physico-chimiques adéquates. Il en résultera plusieurs sortes de semi-conducteurs que l'on pourra combiner pour obtenir des fonctionnements bien déterminés.
Un semi conducteur est constitué par un réseau cristallin de matériau très pur. On utilise soit des éléments du tableau périodique possédant chacun 4 électrons de valence, soit des combinaisons de matériaux qui possèdent 3 et 5 électrons de valence. Les atomes sont liés entre eux par des liaisons covalentes. Ces liaisons sont robustes, ce qui fait que pour arracher des électrons des atomes, il faut fournir une énergie assez importante (environ 1eV, contre 0,1 eV pour les conducteurs et 5eV pour les isolants).
le silicium (Si) : c'est le matériau le plus utilisé actuellement pour la fabrication des composants électroniques.
le germanium (Ge) : il est délaissé (trop sensible en température : courants de fuite importants, température de fonctionnement limitée).
l'arseniure de gallium (AsGa) : il est très utilisé dans la fabrication de composants opto électroniques, et permet aussi de fabriquer des composants plus rapides que ceux en silicium ; ces applications sont cependant relativement rares.
Les semi conducteurs ont une résistivité électrique intermédiaire entre les isolants (1E14 à 1E22 cm) et les bons conducteurs (1E-6 cm) : elle est comprise entre 1E2 et 1E9 cm.
L'agitation thermique fait que certains électrons quittent leur liaison et deviennent des électrons libres. Ils créent alors un trou qui ne demande qu'à être rebouché par un autre électron libre, surtout si on applique un champ électrique sur le cristal : électrons et trous se déplacent en sens inverse, engendrant ainsi un courant électrique.
Contrairement à ce qui se passe dans les conducteurs, la résistivité des semi conducteurs diminue quand la température augmente : en effet, plus la température est élevée, plus le nombre de trous et d'électrons libres augmente, et plus le courant produit est intense quand on branche un générateur sur le cristal.
Les semi conducteurs intrinsèques n'ont pas une grande utilité en tant que tels ; ils servent de base aux semi conducteurs dopés : on y rajoute des impuretés pour modifier leur comportement. Il existe deux types de semi conducteurs extrinsèques :
On dope le cristal intrinsèque avec un élément possédant un nombre inférieur d'électrons de valence : on peut doper du silicium (4 électrons de valence) avec du Bore, de l'indium, du Gallium ou de l'Aluminium qui possèdent 3 électrons de valence (atome accepteur).
Ces atomes vont prendre la place d'atomes de silicium dans le cristal. Comme ils possèdent 1 électron de valence en moins, il va se créer des trous dans le semi-conducteur. Les trous deviennent porteurs de charges mobiles majoritaires : le semi conducteur est de type P. Il subsistera quelques électrons libres dans le cristal (porteurs minoritaires).
Les trous ainsi créés vont être susceptibles d'être bouchés par des électrons présents dans le cristal (par exemple, des électrons issus de paires électron-trou générés par l'agitation thermique).
Le principe est le même que pour le semi conducteur de type P, sauf qu'on dope le cristal avec des éléments ayant un électron de valence de plus (atomes donneurs) : le phosphore, l'arsenic et l'antimoine, qui possèdent 5 électrons de valence pourront doper le silicium par exemple. 4 électrons vont faire des liaisons covalentes avec les atomes de silicium environnants, et le 5ème sera un électron libre ; tous ces électrons libres seront les porteurs majoritaires. Il existera encore quelques trous, mais en très faible quantité.
Les électrons libres seront pratiquement aussi mobiles que dans le cas des conducteurs (liaisons métalliques).
Anoter que dans ce cas, l'atome donneur devient ion positif, mais ceci ne créé pas un porteur trou comme dans le cas du silicium P, car cette charge positive ne peut pas se déplacer dans le cristal.
A noter que dans les deux cas (types N et P), le cristal reste globalement électriquement neutre , car le noyau des atomes donneurs comporte un proton de plus que l'atome du cristal intrinsèque, et un de moins dans le cas des atomes accepteurs. Le dopage permet d'avoir beaucoup plus de porteurs d'une espèce donnée que de l'autre, et il a apporté une fragilité supplémentaire dans les liaisons atomiques : l'énergie nécessaire pour arracher un porteur majoritaire d'un atome est d'environ 0,1eV : il y aura plus de charges participant à la circulation du courant que dans un cristal intrinsèque.
En pratique, seuls les électrons se déplacent. Au niveau mobilité des charges, on voit que pour le silicium N, les charges mobiles sont les électrons libres , dont l'énergie de liaison se situe dans la bande de conduction (il faut très peu d'énergie pour les arracher de leur atome donneur) : ils vont donc être très mobiles.
Pour le silicium P, le déplacement de trous se fera en fait par déplacement d'électrons qui seront obligés de venir des autres liaisons covalentes (génération de paires électron-trou), donc de la bande de valence (il faut fournir une énergie relativement élevée pour créer ces paires de porteurs) : ils vont être beaucoup moins mobiles que les électrons libres du silicium N, ce qui explique que la conductivité du silicium P soit plus faible que celle du N.
La conduction est le résultat de trois termes :
Conduction par champ électrique : un champ externe va fournir suffisamment d'énergie aux électrons libres (N) ou au trous (P) : en fait, les électrons de valence voisins du trou) pour qu'ils se déplacent. On a une conduction dans un barreau de silicium monocristal (N ou P). La conduction est meilleure dans le N à cause de ce qui a été dit précédemment.
Conduction par diffusion des porteurs : n'existe pas dans un cristal homogène. Ce phénomène est dû à l'hétérogénéïté du matériau (jonction, dopage non homogène ) : il y a un gradient de concentration des charges qui se déplacent pour se répartir de façon homogène dans le cristal à la manière des gaz.
Conduction par création/recombinaison de charges : ceci concerne les charges libres minoritaires, qui peuvent être créées de diverses manières : émission photonique, avalanche, passage de la barrière de potentiel d'une jonction Ces charges en excès se recombinent avec les porteurs majoritaires selon une loi exponentielle de constante de temps égale à la durée de vie des porteurs.