NOTIONS DE COUPLAGE ÉLECTRIQUE.
COUPLAGE PAR IMPÉDANCE COMMUNE.
COUPLAGE PAR DIAPHONIE INDUCTIVE.
COUPLAGE PAR DIAPHONIE CAPACITIVE
Les plus gros soucis que devra affronter le spécialiste en mesures lors de la mise au point de manips ou de bancs de mesures viendront des nombreuses perturbations extérieures qui affecteront le résultat.
L'objet de ce cours est de répertorier les principaux modes de perturbations électriques ; pour chacun de ces modes, on donnera une définition théorique (donc assez large), et pour ne pas rester dans le flou, on passera tout de suite à un exemple concret, représentatif de ce qu'on trouve fréquemment dans la pratique de la mesure.
Il ne faudra bien entendu pas se borner à cet exemple, et garder à l'esprit qu'il est seulement représentatif d'une famille de perturbations.
Ce cours est très simplifié. En effet, on rentre dans le domaine plutôt complexe de la Compatibilité ÉlectroMagnétique (CEM) des équipements électriques. Ce domaine est assez mal maîtrisé, car jusqu'à présent, il est resté confiné dans des domaines pointus (spatial, militaire, radiodiffusion...).
L'émergence de nouvelles normes en matière de CEM visant à réduire les parasites émis par les équipements électriques augmente actuellement de façon considérable le champ d'action de cette discipline.
Il n'est pas question dans ce cours de rentrer dans le détail des notions complexes de ce domaine ; le but est juste de sensibiliser de futurs spécialistes en mesure aux plus gros problèmes qu'ils devront affronter, et leur permettre :
d'éviter les pièges les plus grossiers.
de " flairer " les pièges plus subtils ; il feront alors appel à un spécialiste de
la CEM qui les aidera à mettre le montage de mesure au point. Quelquefois, des conseils
simples suffiront.
Pour qu'il y ait couplage, il faut au moins deux équipements en présence : un qui va générer des signaux parasites (le coupable ), et un autre qui va subir la perturbation (la victime ).
Dans notre cas, le coupable pourra être quelconque (alimentation, ventilateur, ordinateur, câble véhiculant des forts courants pulsés...), et la victime sera l'ensemble composé du système à mesurer, de l'équipement de mesure, et bien sûr, encore et toujours des câbles.
A noter que dans le cas d'un banc de mesure complexe, certaines parties de ce banc peuvent devenir des coupables pour d'autres parties qui en seront victimes...
Le couplage est la liaison physique (au sens de phénomène physique) qui va permettre au coupable de polluer la victime.
Les six modes de couplage recensés sont les suivants :
couplage par impédance commune
couplage par diaphonie inductive
couplage par diaphonie capacitive
couplage carte à châssis
couplage de champ à fil
couplage de champ à boucle
Les quatre premiers sont des couplages par conduction (à travers une résistance, une inductance, une mutuelle inductance, un condensateur, ces éléments étant parasites), et les deux derniers, des couplages par rayonnement de champs électromagnétique.
Nous allons voir ces six couplages en détail et étudier des exemples concrets pour
chacun d'eux.
Quand on rencontre des problèmes de parasitage des mesures, on va souvent chercher des explications compliquées mettant en cause des champs électromagnétiques ou pis, des démons inconnus...
Très souvent, nous sommes seulement ( ! ) victimes de couplage par impédance commune.
Dans une boucle de mesure, on a un couplage par impédance commune lorsqu'une impédance parasite faisant partie de la boucle est parcourue par un courant étranger à la boucle de mesure. La chute de tension créée par ce courant dans l'impédance parasite va s'ajouter à la tension à mesurer et la fausser.
En général, l'impédance parasite sera résistive (99% des cas), et parfois inductive. Les inductances parasites des câbles étant faibles, le phénomène sera gênant en HF et lors de commutation rapide de courants importants.
Le couplage par inductance est plus problématique pour le concepteur de circuits électroniques
rapides que pour le spécialiste en mesures.
Les cas les plus critiques seront toujours les mesures de signaux de faible niveau : le niveau relatif des perturbations devient alors gênant pour qu'on puisse garantir la précision. Nous allons donc insister sur ces cas.
Dans la littérature, ce mode de couplage est présenté de la façon théorique suivante :
Fig. 1. Couplage par impédance commune.
Considérons une impédance Zm aux bornes de laquelle on désire mesurer une tension Vr.
Cet élément à mesurer est relié à un amplificateur de mesure de gain Av par 2 fils, dont l'un présente une impédance parasite Zp.
La boucle de mesure, schématisée figure 1 comprend l'impédance aux bornes de laquelle on mesure une tension, l'entrée de l'ampli d'instrumentation, et les fils aller (point chaud) et retour (masse) du câble.
Dans le cas où l'impédance Zm est interconnectée avec d'autres éléments (circuit électronique), ainsi que l'ampli de mesure (par exemple à un oscilloscope), il peut exister un courant parasite Ip indépendant de la mesure et circulant dans le fil d'impédance Zp liant l'élément à mesurer à l'amplificateur.
Le courant de mesure proprement dit est conditionné par l'impédance d'entrée de l'ampli, qui est (sauf en HF) en général très élevée (> 1M) pour ne justement pas perturber l'élément à mesurer. Ce courant étant infime, on va le négliger.
Nous étudierons dans les exemples suivants d'où peut provenir le courant Ip. Pour l'instant, on va admettre qu'il existe et analyser les perturbations induites.
Si on applique la loi d'ohm dans la boucle de mesure, on trouve une tension à l'entrée de l'ampli égale à :
En effet, l'entrée de l'ampli " voit " tout ce qui compose la boucle de mesure, à savoir la tension à mesurer plus la chute de tension dans l'impédance parasite Zp.
Si le signal Vr est de l'ordre de 100mV (ce qui est déjà, en mesure, une valeur " importante "),
Ip = 1A et Zp = Rp = 10m, le signal d'erreur représentera 10% du signal
à mesurer... et le résultat sera inexploitable !
Le point de départ de toutes ces perturbations est une remise en cause d'un postulat
de l'électronique théorique : la masse n'est pas une véritable équipotentielle
, surtout lorsqu'on a plusieurs équipements interconnectés. C'est le problème de base
de la CEM, et c'est dû à un phénomène non pris en compte dans les cours d'électronique
de base : tout conducteur, quel qu'il soit, présente une impédance à ses bornes.
C'est donc vrai pour toutes les liaisons, et en particulier celles entre masses.
Ces éléments théoriques ne sont pas suffisants pour permettre au néophyte de les mettre en évidence sur une manip, et de voir les branchements et mécanismes concrets qui ramènent à ce cas d'école.
Passons donc au concret : nous allons voir sur 3 cas extrêmement répandus en mesure le mécanisme de couplage par impédance commune.
L'illustration la plus proche du cas théorique précédent est la mesure d'un courant à l'aide d'un shunt sur un équipement électronique.
Le montage est composé des éléments suivants :
un montage électronique comprenant le shunt de mesure d'un courant, un des pôles du shunt étant relié à la masse du montage électronique.
une alimentation stabilisée fournissant l'énergie au montage électronique.
un oscilloscope permettant de visualiser et mesurer le courant du montage électronique.
un câble coaxial liant le montage à l'oscilloscope.
Le montage réel sera le suivant :
Fig. 2. Mesure sur shunt.
Il est très important de noter que chaque appareil possède sa masse électrique, que ces masses sont reliées entre elles par les câbles de liaison, et que les masses de l'alimentation et de l'oscilloscope sont reliées à la terre.
A ce titre, dans tous les laboratoires, les prises de courant sont toutes équipées de terre, et tous les appareils électriques et électroniques d'alimentation, de génération et transformation de signaux, et ceux de mesure sont équipés de prises de terre, ceci afin de mettre ces appareils à un potentiel très voisin de celui des humains qui les utilisent : on évite ainsi les chocs électriques et on assure la sécurité des personnes qui manipulent.
Le respect de ces règles est obligatoire, et les circuits de mise à la terre sont
régulièrement contrôlés.
Fig. 3. Schéma de câblage équivalent.
A partir du schéma de branchement, on va bâtir le schéma électrique équivalent en tenant compte des impédances parasites des câbles (Fig. 3.).
Dans ce schéma, nous n'avons mentionné que les résistances parasites. Le raisonnement serait strictement le même si on incluait les selfs parasites.
Si dans un premier temps on supprime l'oscilloscope, le fonctionnement est le suivant : tout le courant Is circulant dans le shunt est fourni par le pôle + de l'alimentation et revient par le pôle - de cette alimentation, ainsi que les autres courants circulant dans le module électronique.
La prise de terre sert uniquement à mettre le montage au potentiel de la terre : aucun courant ne circule dans cette connexion (sauf gros problème !).
Si maintenant on rajoute l'oscilloscope avec sa prise de terre, et le câble de liaison avec le montage électronique, la règle précédente reste valable : aucun courant ne " disparaît " dans la terre. Par contre, le courant Is circulant dans le shunt a maintenant 2 circuits possibles pour retourner vers l'alimentation :
le circuit direct prévu à cet effet, à savoir le câble de masse reliant l'alimentation au montage (courant I1).
un circuit parasite, composé du fil de masse du câble de mesure, du fil de terre reliant l'oscilloscope au secteur, et du fil de terre reliant le secteur à l'alimentation (courant I2).
Les courants I1 et I2 peuvent être aisément calculés par la loi du diviseur de courant :
On retrouve ici le cas d'école, avec l'impédance parasite qui est Rcbl et le courant parasite I2 circulant dans la boucle de mesure. On en déduit alors facilement la valeur du signal d'erreur Verr :
Ces équations sont données à titre indicatif : dans la pratique, on ne connait pas
les impédances parasites avec précision, ni surtout les résistances de contact des
câbles aux borniers. On ne saura donc pas faire un calcul précis. On se bornera à
estimer un ordre de grandeur de l'erreur qu'on corrèlera à l'aide de la mesure d'une pièce
étalon pour voir si on ne fait pas fausse route dans le diagnostic des sources d'erreur
de la mesure.
Ce cas typique (et surtout ses variantes) se présente assez souvent ; il permet de faire le lien avec le cas d'école, et surtout, de voir le mécanisme de bouclage des courants par des circuits dérivés, et donc d'interpréter la présence d'un courant parasite dans la boucle de mesure (le diagnostic étant fait, il sera plus facile d'éliminer ce courant ou ses conséquences).
Il faut noter un aspect extrêmement vicieux du phénomène de " parasitage " de la mesure dans ce cas particulier : le signal d'erreur a exactement la même forme que le signal utile ; il ne va affecter que son amplitude, et le résultat de mesure paraîtra " propre ". Il sera alors difficile de détecter l'erreur si on ne connaît pas exactement le résultat attendu (on a intérêt dans ce cas à mesurer une pièce étalon pour valider la mesure).
Le piège est plus grossier et facilement détectable quand le courant parasite n'est pas celui qu'on désire mesurer : l'oscilloscope montre alors un " vrai " bruit.
La principale parade existant pour contrer la circulation de ces courants parasites consiste à faire une mesure différentielle : ceci fera l'objet d'un cours spécifique.
Remarque : ce type de perturbation se rencontre plus généralement pour toute mesure faite en mode commun (mesure d'un point chaud par rapport à la masse).
Il est clair que si dans l'exemple précédent le shunt était flottant (aucun pôle à
la masse), il serait hors de question de faire une mesure de mode commun en mettant
un des pôles du shunt directement à la masse de l'oscilloscope par exemple : on court-circuiterait une partie du montage électronique, avec tous les dégâts que cela peut engendrer.
Dans ce cas, la mesure en différentiel est impérative
.
En pratique, les mesures sur shunt sont (presque) toujours faites en mode différentiel : il n'y aura donc pas de problème dans ce cas.
Par contre, il est plus fréquent qu'on ait à mesurer une faible tension par rapport à la masse sur une carte électronique où circulent des forts courants. Les perturbations seront strictement les mêmes : les forts courants auront souvent (au moins) deux chemins possibles pour retourner au pôle - de l'alimentation, et un de ces chemins est en général le fil de masse du câble de mesure.
Si les courants sont pulsés (présence d'une alimentation à découpage par exemple), il faudra prendre en compte les inductances parasites pour expliquer des surtensions brèves mais parfois de forte amplitude au moment des commutations du courant parasite. Ces surtensions peuvent être dangereuses pour certains équipements de mesure fragiles.
Cet exemple particulier va nous montrer que même si la sonde de mesure est " isolée " du montage à mesurer, on peut avoir des couplages parasites venant fausser les résultats.
On se propose de mesurer un courant sur un montage électronique par l'intermédiaire d'une sonde de courant, ainsi qu'une tension (sonde reliée à l'oscilloscope).
Pour ce faire, on dispose :
d'un montage électronique.
d'une alimentation stabilisée fournissant l'énergie au montage.
d'un oscilloscope.
d'une sonde d'oscilloscope standard.
d'une sonde de courant et de son amplificateur, celui-ci délivrant une tension proportionnelle au courant mesuré. Cette tension doit être analysée à l'oscilloscope positionné sur le calibre 10mV/div (faible signal).
Fig. 4. Mesure de courant par sonde.
Le principe de la sonde de courant est basé sur des phénomènes de couplage par mutuelle
induction (transformateur de courant) ou sur l'effet hall, celui-ci permettant de
mesurer des courants continus. Dans tous les cas, il n'y a pas besoin de couper le
circuit pour mesurer le courant comme dans le cas d'un shunt. La sonde de courant se
présente sous forme d'une pince entourant le câble où circule le courant à mesurer
: il y a donc isolation parfaite entre la sonde et le circuit à mesurer.
Fig. 5. Schéma équivalent
Si on fait le schéma équivalent du montage comme dans l'exemple précédent, on pourra constater les choses suivantes : si on mesure uniquement le courant, la sonde de tension étant débranchée, il n'y a aucun problème. Dès que l'on rajoute la sonde de tension, et surtout, sa connection de masse sur le montage, on ouvre la voie à deux chemins parasites pour le courant de retour du montage électronique : un va transiter par le câble de masse de la sonde de tension, l'autre par le câble de masse liant l'ampli de sonde de courant à l'oscilloscope. On pollue d'un seul coup deux signaux !
Une mesure de résistance est faite selon le principe suivant : on injecte un courant calibré dans la résistance à mesurer, et on mesure la chute de tension induite aux bornes de cette résistance.
Dans ce cas, l'instrument de mesure (un multimètre) va comporter à la fois le générateur de courant et le voltmètre (qui est, rappelons le, l'instrument de mesure de base).
Dans les multimètre à bon marché, il n'y a que deux bornes de sortie permettant de faire cette mesure : les cordons de mesure vont donc servir à véhiculer le courant et recueillir la tension.
Fig. 6. Principe de mesure d'une résistance.
Or, ces câbles, ainsi que leur contact avec le composant à mesurer sont résistifs. Le courant de mesure va donc provoquer des chutes de tension parasites dans ces résistances, et au lieu de mesurer Rtest, on va mesurer Rtest + Rcord1 + Rcord2 :
Fig. 7. Perturbation de la mesure de résistance.
Le phénomène sera plus gênant pour les mesures de faibles résistances, car les résistances parasites ont une valeur sensiblement constante : plus la résistance mesurée a une valeur élevée, plus l'erreur sera faible.
Là encore, on est en présence de couplage par impédance commune. D'aucun objecteront que le courant " parasite " est le courant de mesure. En fait, on peut considérer que l'instrument de mesure est le voltmètre, et qu'il est perturbé par le courant I qui est pour lui un courant parasite !
La parade à cet inconvénient consiste à faire une mesure dite " 4 points " : on amène le courant de mesure et on lit la tension avec deux jeux de câbles différents. On lit alors vraiment la valeur de la résistance à mesurer :
Fig. 8. Mesure de résistance " 4 points "
Les multimètres de précision possèdent 4 bornes de sortie pour la mesure 4 fils :
2 bornes notées " force " qui injectent le courant.
2 bornes notées " sense " qui mesurent la tension.
Attention à la précision ! 1k n'est pas une faible
valeur, certes, mais si on veut mesurer une telle résistance avec une précision de
1 pour 10000, il faudra passer par une mesure 4 points, alors que ce ne sera pas
nécessaire pour mesurer 100 à 1%. Tout est relatif !
Ces petits exemples de tous les jours ont permis de mettre en évidence les mécanismes de couplage par impédance commune. Les éléments essentiels à retenir sont :
les " équipotentielles " ne sont jamais parfaites.
il convient de bien faire le schéma équivalent de tout le montage, en prenant en compte tous les chemins possibles (mises à la terre, mises à la masse multiples...) pour arriver à détecter les problèmes et y remédier.
on aura d'autant plus de problèmes qu'un des appareils consommera ou générera des forts courants.
il faut se rappeler qu'un câble de masse supplémentaire mal placé sur un montage de mesure peut fausser toutes les mesures : il faut réfléchir à deux fois avant de modifier quelque chose qui marche !
ces exemples illustrent l'ampleur des problèmes potentiels qui se posent lors de la conception d'un banc de mesure automatisé, réalisant la commande, la mesure et le traitement d'un grand nombre de paramètres, et comprenant plusieurs appareils interconnectés !
Il n'y a pas de remède miracle universel et possédant toutes les qualités. Très souvent, un simple toilettage du montage suffira (câblage rationnel des appareils, pas de câbles superflus, câbles courts...).
Ensuite, en fonction des résultats désirés et des moyens disponibles, on pourra piocher dans les méthodes proposées ci dessous.
Nous avons vu que la source de tous nos problèmes venait souvent de couplages dûs aux liaisons à la terre des divers appareils interconnectés.
Pour éviter ces problèmes à peu de frais, on peut être tentés de couper ces liaisons avec la terre.
Mais alors, attention ! ! ! Ce genre de manipulation peut être extrêmement dangereux, et ne devra pas être fait à la légère. Dans tous les cas, il faudra qu'il subsiste au moins un appareil à la terre pour assurer la sécurité des personnes qui vont manipuler les appareils.
Il faudra que toutes les liaisons entre appareils restent en place (et notamment les masses).
De plus, on risque de se retrouver avec des couplages autres (carte à châssis par exemple) qui ruineront les gains obtenus, surtout s'il existe des courants ou tensions HF dans le montage. Cette méthode est donc fortement déconseillée dans la plupart des cas.
Tout au plus, dans certaines manips, on pourra désolidariser l'alimentation stabilisée de la terre. Certaines alimentations possèdent d'ailleurs des bornes de masse et de terre séparées en face avant. On pourra ou non les relier en fonction des besoins. On constatera alors le résultat sur l'oscilloscope : si le flottement donne de bons résultats, on laissera tel quel, sinon, on remettra la connexion de terre.
Cette méthode peut être efficace dans les exemples de mesure sur shunt ou avec la sonde de courant cités plus haut. A proscrire si les tensions mises en jeu sont élevées !
Il est très déconseillé de flotter des oscilloscopes : certains sont alors dangereux.
De plus, les potentiels atteints par le châssis peuvent l'endommager.
C'est une méthode quasi universelle pour la résolution de ce genre de problème. Nous allons l'étudier en détail au chapitre suivant : " L'amplificateur d'instrumentation ".
Elle n'est pas utilisée systématiquement, car elle est plus complexe à mettre en uvre et plus chère qu'une mesure simple par rapport à la masse.
De plus, les amplificateurs différentiels ont aussi des limitations qui empêchent
leur utilisation partout.
Si on conçoit soi-même la carte électronique dont on veut mesurer un faible signal, il est possible d'amplifier ce signal sur la carte même. Dans ce cas, la réjection du signal d'erreur sera multipliée par le gain de l'amplificateur.
Par exemple, si on a un signal utile de 100mV et un signal d'erreur de 10mV dû au câblage, un ampli de gain 10 va permettre de monter la tension utile à 1V, et le signal d'erreur ne fera plus que 1% du signal utile au lieu de 10%. L'ampli " local " étant référencé à la masse du montage, il n'y a pas de problème local de couplage par impédance commune (à condition que le routage du montage électronique soit fait convenablement !).
Le câble de mesure va alors véhiculer un signal de fort niveau et à basse impédance, donc " robuste ".
Cette méthode peut être très bon marché et efficace. Elle évite une mesure en différentiel, plus lourde à mettre en uvre et plus chère.
Tout courant variable circulant dans un conducteur va créer un champ magnétique autour de lui. La variation de flux ainsi produite va créer des tensions induites parasites dans les boucles formées par les câbles conducteurs contigus au câble perturbateur.
En pratique, cela revient à considérer la mutuelle inductance entre le câble perturbateur et le câble victime.
Parmi les perturbateurs, on fera attention aux câbles d'alimentation des convertisseurs statiques, des moteurs électriques, des relais, et aussi aux câbles véhiculant des signaux logiques à front raide.
En mesure, on aura des problèmes avec les convertisseurs statiques, et aussi avec
des câbles en nappe dans le cas de bancs informatisés : ces câbles sont pratiques
pour véhiculer beaucoup de signaux sans avoir une forêt de fils, mais ils posent
des gros problèmes de diaphonie.
Les remèdes peuvent être simples :
dans la mesure du possible, on éloignera les câbles à courants pulsés (dI/dt élevés) des câbles véhiculant des signaux faible niveau à mesurer.
surtout, il faudra se garder de faire courir le câble source et le câble victime parallèlement sur une grande distance.
Si le câble source et le câble victime doivent se croiser, il faudra le faire à angle droit (couplage nul, même si les deux câbles se touchent).
on évitera de faire circuler dans un câble en nappe des signaux logiques (fort dI/dt) et des signaux analogiques bas niveau.
afin de réduire la boucle formée par les conducteurs aller et retour d'un signal bas niveau, on rapprochera ces deux fils au maximum.
dans la mesure du possible, on torsadera ces deux câbles : le champ perturbateur va créer des effets qui vont s'annuler grâce à l'inversion des câbles induite par le torsadage.
Ce phénomène est dû au fait que deux conducteurs en regard et séparés par un diélectrique (l'air, ou un isolant quelconque) forment une capacité qui va les relier.
Le couplage par diaphonie capacitive est créé par variation de tension entre deux conducteurs en regard. La capacité parasite formée par les deux conducteurs va présenter une impédance faible en HF à cette variation de ddp et permettre le passage d'un courant parasite.
Remarque
: la différence essentielle qu'il y a avec la diaphonie inductive est que la diaphonie capacitive est provoquée par une variation de tension
(champ électrique), alors que la diaphonie inductive est provoquée par une variation de courant
(champ magnétique).
Une méthode a été beaucoup utilisée pendant l'âge d'or de l'électronique analogique pour résoudre les problèmes de couplage par impédance commune : c'est l'isolation galvanique, réalisée notamment à l'aide de transformateurs d'isolement, et plus récemment, par des isolateurs opto-électroniques.
Les différents éléments d'un système électronique étant isolés, il n'y a plus de chemin pour les courants parasites.
Fig. 9. Isolation galvanique en HF.
Ce remède était valable à une certaine époque, lorsqu'on travaillait principalement avec des fréquences relativement faibles, et que la commutation en était à ses balbutiements.
Aujourd'hui, les choses ont changé : les fréquences de travail sont très élevées, on a de plus en plus de signaux logiques très rapides (on dépasse le GHz pour les processeurs), et la commutation est entrée en force dans l'électronique de puissance.
Il y a donc de plus en plus de signaux HF dans les circuits électroniques actuels, qui vont mettre en défaut les composants d'isolation galvanique. En effet, ceux-ci présentent entre les deux parties isolées des capacités parasites non négligeables : de quelques pF pour les composants optiques à quelques dizaines de pF pour les transformateurs.
Si le secondaire du transformateur d'isolement est soumis à des variations rapides de tension de mode commun, les capacités parasites vont réinjecter ces signaux au primaire, et pourront perturber par conduction tout le circuit électronique qui y est relié.
La figure 9 est une illustration d'isolation galvanique par transformateur. On y remarque deux masses : ces deux masses sont bien évidemment séparées, sinon, l'isolation galvanique n'aurait pas de sens ! Ce sont des masses locales. Si une ddp apparaît entre ces deux masses (tension de mode commun Vmc), les capacités parasites Cp2 et Cp2 laisseront passer les composantes HF de cette tension, introduisant une tension de mode commun sur le circuit amont qui peut perturber ce circuit et les appareils qui y sont reliés.
Il faut noter que les capacités parasites Cp1 et Cp2 n'existent pas physiquement telles quelles : la capacité parasite est en fait répartie
uniformément sur tout le bobinage. Les deux capacités discrètes indiquées sur le
schéma sont des capacités équivalentes permettant de raisonner et de faire des calculs
simples.
Dans les interfaces de mesure, on trouve presque toujours des signaux analogiques, souvent bas niveau et/ou à haute impédance voisinant avec des signaux logiques rapides.
Fig. 10. Câblage d'une carte mixte.
Il ne faudra jamais perdre de vue que si deux de ces pistes sur un tel circuit imprimé sont routées parallèlement et à faible distance l'une de l'autre, elles vont être reliées par une capacité parasite non négligeable. Le signal analogique pourra alors être pollué par les variations rapides de potentiel inhérentes aux signaux logiques.
Prenons l'exemple de la figure 10 : un capteur est relié à une carte électronique ; il est équivalent à un générateur de tension Ec en série avec une résistance Rc. Sur la carte électronique, le signal est conditionné par un amplificateur à haute impédance d'entrée (amplificateur opérationnel ou d'instrumentation par exemple).
L'entrée du capteur est voisine d'une entrée logique, et les pistes cheminent parallèlement sur quelques centimètres : il en résulte une capacité parasite Cp reliant ces deux pistes.
Pour la suite, on va supposer que le signal logique est délivré par un générateur de tension à impédance interne faible qu'on va donc négliger.
On va considérer aussi que ce signal logique de tension Vl est périodique : il est alors possible de le décomposer en une série de Fourier :
La pulsation du fondamental est , et correspond à une fréquence fo. En théorie, la série est infinie ; en pratique, au delà d'une certaine fréquence, les composantes Vil sont négligeables.
Le schéma équivalent de ce montage électronique est le suivant :
Fig. 11. Schéma équivalent.
La tension à l'entrée de l'amplificateur est égale à :
Dans cette équation, ZCp représente l'impédance complexe de la capacité Cp, et est égale à :
La pulsation i, égale à i, est celle de l'harmonique i des composantes de Fourier du signal logique (les harmoniques d'ordre élevé sont les plus perturbantes), et la pulsation c celle du signal délivré par le capteur.
On voit clairement (deuxième terme de l'équation [7]) que le terme perturbateur est proportionnel au pont diviseur formé par la capacité parasite d'une part, et l'impédance équivalente de Thévenin vue du point perturbé de la piste sensible.
Ici, cette impédance équivalente est égale à l'impédance interne du capteur en parallèle avec l'impédance d'entrée de l'ampli, qui est en général très grande.
Plus l'impédance de la capacité sera faible, plus grande sera la perturbation. C'est aux fréquences élevées qu'on aura le plus de problèmes (c'est le cas des harmoniques des signaux logiques).
On pourra noter au passage que la capacité parasite diminue l'impédance sous laquelle le capteur " voit " le circuit d'entrée (premier terme de l'équation [7]). Il faudra prendre ce phénomène en compte si le capteur délivre des composantes à haute fréquence (c élevée).
On peut tirer deux conclusions de ce rapide calcul :
On a intérêt à diminuer autant que faire se peut les capacités de couplages en évitant de faire cheminer des pistes sensibles en parallèle avec des pistes perturbantes. Il convient de noter ici que si l'impédance de la source perturbatrice est non nulle, elle se rajoute à l'impédance de la capacité parasite, ce qui a un effet bénéfique. En pratique, il ne faut pas rêver, les impédances de source des perturbateurs sont souvent faibles...
Les circuits à haute impédance d'entrée sont particulièrement sensibles aux couplages capacitifs. On sera en permanence pris entre deux impératifs : avoir un ampli à forte impédance d'entrée pour ne pas perturber le capteur, et limiter au maximum l'effet des couplages capacitifs parasites, donc, avoir une faible impédance d'entrée...
Il y aura donc toujours un compromis à faire. En pratique, on choisira l'impédance d'entrée la plus basse possible qui soit compatible avec les impératifs de précision de mesure qu'on s'est fixés.
Si les signaux délivrés par le capteur sont à basse fréquence, un filtre passe bas
disposé à l'entrée de l'amplificateur permettra de résoudre à bon compte certains
problèmes de diaphonie avec des signaux logiques.
Comme dans le cas de la diaphonie inductive, les signaux fragiles circulant dans un câble en nappe vont être pollués par les variations relatives de potentiel qui existent sur les câbles contigus, et ceci via les capacités parasites existant fatalement entre ces câbles.
Même remède : ne pas faire circuler des signaux " fragiles " à côté de signaux à fort dV/dt.
Le couplage capacitif sera perturbant uniquement lorsque le montage de mesure sera entouré de matériel fonctionnant à haute fréquence.
Ce cas sera malheureusement courant, car la logique est présente quasiment partout, et les fronts raides des signaux logiques sont générateurs de parasites HF.
Les principaux remèdes sont la séparation des câbles perturbateurs et perturbés, faire des circuits d'interface à la plus basse impédance possible, et en dernier recours, filtrer.
Une autre conclusion remarquable est qu'un isolement galvanique ne protège pas des perturbations de mode commun HF.
Ce mode de couplage va affecter prioritairement des équipements isolés de leur châssis (le boîtier protégeant l'équipement considéré) soumis à des tensions de mode commun HF élevées. Il est finalement un cas particulier de la diaphonie capacitive.
Le couplage carte à châssis a lieu lorsqu'une carte électronique est isolée du boîtier qui l'enveloppe, et qu'il existe une différence de potentiel variable entre la masse de cette carte et le châssis (variation de tension de mode commun).
Il existe des capacités parasites entre la carte et le châssis. Si le potentiel entre
la carte et le châssis est variable, ces capacités vont former un chemin de passage
pour des courants parasites.
Il est nécessaire ici de parler de ce mode de couplage, car, comme il a été dit précédemment, on peut être tentés de " flotter " certains équipements pour couper des chemins conducteurs parasites et éviter ainsi les couplages par impédance commune.
Il faut savoir que quand on fait cela, on s'expose à un autre couplage parasite qui est le couplage carte à châssis.
Ce type de couplage sera évidemment important si les équipements concernés sont le siège de courants ou tensions HF.
Sur des équipements uniquement BF, on pourra flotter des cartes électroniques sans problèmes.
Si on a des composantes HF, il faudra empêcher le flottement des potentiels en reliant la masse de la carte à son châssis. On évitera alors les couplages par impédance commune en utilisant des liaisons différentielles entre les différentes cartes ou appareils.
Tout câble conducteur plongé dans un champ électrique variable va être le siège d'un
courant de conduction induit par le champ électrique. Ce phénomène sera significatif
uniquement en HF.
L'exemple le plus simple, bien que n'ayant rien à voir avec la mesure, est celui de l'antenne de voiture pour autoradio. Cette antenne n'est qu'un vulgaire bout de ferraille qui va collecter les champs électriques HF émis par les stations de radiodiffusion, et transformer ces champs en courant conduit qui va être acheminé vers l'entrée de l'autoradio pour y être traité.
En pratique, l'espace qui nous entoure est entièrement baigné d'ondes radioélectriques : émetteurs radio, TV, talkies walkies, téléphones portables, ainsi que des parasites d'origine industrielle véhiculés par les lignes électriques du secteur qui se comportent alors comme des émetteurs.
Il ne faut pas oublier non plus les montages électroniques générant des composantes HF rayonnées : ordinateurs, variateurs à triacs, alimentations à découpage...
Ces champs sont inévitables, et il va falloir s'en protéger !
Première règle simple : pas de fils qui traînent ! C'est facile à dire, c'est peu souvent bien réalisé.
Sur une manip, on enlèvera tous les cordons non branchés aux deux extrémités. Un cordon qui pend, connecté à une de ses extrémités à un montage de mesure se comporte de la même manière qu'une antenne d'autoradio, et va capter tous les champs parasites qui traînent, les transformer en courant et les injecter par conduction dans le montage.
Dès qu'on a des signaux bruités lors d'une mesure, la première chose à faire avant
d'investiguer plus loin est de rationaliser le câblage, mettre les câbles les plus
courts possibles, et éviter les fils inutiles qui traînent.
Il n'est évidemment pas question de saboter les émetteurs de radiodiffusion pour faire une manip tranquille, mais bien d'éviter, à l'intérieur du labo toutes les sources rayonnantes qu'on maîtrise et dont on peut se passer.
Exemples :
une lampe halogène munie de son variateur à triac est à proscrire.
on éteindra les équipements informatiques inutiles à la manip.
on évitera (si possible) de faire dans un même labo une manip perturbante (électronique de puissance, convertisseur à découpage de gros calibre) et une manip sensible.
on blindera (si possible) les équipements perturbants, et on évitera là aussi les
fils qui pendent (ils forment de beaux émetteurs). A titre indicatif, les ordinateurs
d'aujourd'hui sont blindés, et sont donc moins perturbants qu'à l'âge d'or de l'informatique familiale (1985) où ils étaient simplement habillés de plastique non métallisé.
Il était tout bonnement impossible d'écouter la radio (même en FM) à côté.
Une des principales parades au couplage champ à fil consiste à blinder les fils véhiculant des signaux sensibles.
C'est pour cette raison que les câbles de liaison des appareils de mesure sont blindés : le fil " chaud " est gainé par une tresse de cuivre qui l'enveloppe complètement. Cette tresse est reliée à la masse des appareils, et donc, est (presque !) une équipotentielle. Cette tresse reliée à un potentiel fixe sert ainsi d'écran électrostatique vis à vis du fil " chaud ", et empêche les champs électriques rayonnés de l'atteindre.
Tout champ magnétique variable créé une ddp induite dans une boucle conductrice. Il en résulte un courant parasite circulant dans cette boucle.
Les boucles sont nombreuses dans les circuits électroniques. On appelle boucle de masse toute boucle conductrice formée par les conducteurs aller et retour d'un signal, à savoir le fil " chaud " et le fil de masse. La figure 12 représente par exemple un capteur relié à une carte amplificatrice.
La boucle sensible comprendra les câbles aller et retour allant du capteur à la carte, ainsi que les pistes et impédances présentes sur la carte.
Fig. 12. Boucle de masse perturbée.
Les boucles de masse étant par définition inévitables, il faudra limiter au maximum les perturbations. On pourra entres autres :
réduire le plus possible la surface de ces boucles en faisant en sorte que les fils aller et retour d'une boucle soient câblés au plus près l'un de l'autre.
Pour des câbles non blindés, le torsadage est efficace.
Nous allons terminer ce chapitre sur les perturbations par un phénomène fréquemment rencontré et dénommé familièrement " ronflette " par les professionnels.
Ce phénomène est caractérisé par la présence d'un signal vaguement sinusoïdal de fréquence 50Hz se superposant aux signaux à mesurer.
Le premier réflexe consiste donc à accuser le secteur. C'est vrai, mais indirectement.
Il est en fait issu des couplages précédemment cités. Mais, nous avons vu que ces couplages étaient surtout gênants avec des perturbations HF. Hors, le secteur est à très basse fréquence, et il est hors de question de penser une seconde qu'il puisse traverser de façon significative les quelques picofarads d'un isolement galvanique par exemple.
En réalité, les champs électromagnétiques créés par le secteur modulent les champs HF issus de diverses sources.
Ces champs HF polluent facilement le montage à mesurer (même basse fréquence) par tous les modes de couplage vus précédemment.
Ils vont alors toujours trouver un démodulateur parasite complaisant : il suffit d'une diode (ou la jonction d'un transistor) et d'un condensateur pour démoduler les signaux HF et en retirer la composante BF (le secteur) qui les modulait.
On se retrouve ainsi indirectement avec des tension parasites à la fréquence secteur dans les montages.
Un exemple bien connu est le cas des amplificateurs Hifi qui captent la radio sans tuner ! C'est économique, mais gênant quand ces signaux se superposent à un signal musical différent.
Ce dernier exemple montre que même avec des montages " normalement " BF, on peut avoir des problèmes secondaires induits par des composantes HF !
Même pour ces montages, on prendra donc des précautions pour limiter l'influence des courants et tension HF, et restreindre au maximum tous les modes de couplage.