QU'ES-CE QU'UNE CHAÎNE DE MESURE ?
Les mesures à effectuer en milieu industriel ou dans des laboratoires de recherche universitaire sont extrêmement variées. On peut en distinguer plusieurs catégories :
mesures simples , exécutées à la main avec un appareil transportable : elles se font sur le site de l'élément ou du paramètre à mesurer. Exemple : mesure de tension à l'aide d'un multimètre.
mesures complexes , nécessitant un appareillage lourd : on les fait (quand on le peut !) dans un local aménagé pour recevoir ce matériel spécifique. Exemple : mesure de consommation spécifique d'un moteur à combustion interne sur un banc moteur. Plus généralement, c'est le cas de nombre de mesures faites dans des labos de recherche fondamentale.
mesures multiples
, nécessitant l'acquisition simultanée de plusieurs paramètres : on fait appel à une
centrale d'acquisition portable pour des mesures sur site, ou à des appareils indépendants
fédérés par un micro-ordinateur (pilotage des appareils et traitement des mesures) en labo. Exemple : mesure de plusieurs paramètres de fonctionnement d'un véhicule (vitesse, régime
moteur, consommation instantanée...) à l'aide d'une centrale de mesure embarquée.
La finalité de ces mesures peut être très variée. On retiendra notamment :
mesures en laboratoire : indispensable à tout organisme de recherche (fondamentale ou appliquée), à tout service d'étude..., ceci afin de pouvoir élaborer des théories et les vérifier, de concevoir et tester des nouveaux matériaux, composants, produits...
mesures de qualification de produits de grande consommation : avant de lancer un produit en production et sur le marché (automobile, électroménager, Hi-Fi, vidéo...), on doit s'assurer qu'il va bien fonctionner sans problèmes pendant une durée de vie minimum, dans divers environnement (chaud, froid, humidité...), et qu'il respecte les normes en vigueur. On fait alors fonctionner un échantillon de ces produits (quelques dizaines d'unités dans les cas courants) dans des laboratoires avec du matériel susceptible de les piloter (marche/arrêt, plus vite/moins vite...), de générer des ambiances climatiques extrêmes (froid, chaud, humidité...), et de mesurer divers paramètres. Les mesures sont parfois faites dans un autre laboratoire après un nombre déterminé d'heures de fonctionnement. Les bancs de mesure sont alors complexes à mettre au point, du fait des ambiances extrêmes, et des parasitages induits par les appareils environnants (enceintes climatiques chaud/ froid, compresseurs, ventilateurs, alimentations électriques de forte puissance...).
mesures de tests en production : à toutes les étapes de la fabrication d'un produit, les divers éléments le constituant sont testés, c'est à dire mesurés et comparés à des valeurs mini et maxi (les tolérances). Le problème est le même que précédemment : les mesures sont faites dans une ambiance très perturbée. Il faut aussi faire face au stockage d'un très grand nombre de données et à leur exploitation, en direct ou en différé.
contrôle de processus industriels
: beaucoup de processus de fabrication industriels sont asservis, c'est à dire contrôlés
par une ou plusieurs variables, et ce, en temps réel. Il est alors nécessaire de
mesurer et de traiter au fur et à mesure de leur acquisition plusieurs paramètres
répartis tout au long du processus pour pouvoir agir en conséquence et garantir la qualité
et la conformité du produit final.
Toutes ces mesures sont de plus applicables à un très grand nombre de paramètres physiques, qui peuvent être :
mécaniques : longueur, vitesse, débit, pression, viscosité, état de surface, puissance, couple...
électriques : tension, intensité, puissances...
thermiques : température, résistance thermique...
chimiques : Ph, concentration, salinité...
La liste est très longue ! Mais, toutefois, beaucoup de ces mesures présentent des points communs :
d'une part, l'élément servant à mesurer les grandeurs désirées (capteur, palpeur, sonde...) délivre très souvent (de plus en plus) un signal électrique qu'il faudra récupérer, amplifier et adapter sans déformation (ou alors avec une déformation maîtrisée : linéarisation par exemple). On se ramène donc quasiment tout le temps à des mesures de tension.
d'autre part, il faudra transmettre ce signal à un dispositif de mesure électrique
ou à une centrale d'acquisition. C'est une des raison pour laquelle on utilise de
plus en plus des capteurs délivrant des signaux électriques : il est facile ensuite
de stocker les signaux, de les traiter et de les restituer à l'aide d'un ordinateur.
Nous allons maintenant donner une autre classification des mesures, qui va nous permettre de distinguer deux méthodologies de travail différentes :
les mesures faites au coup par coup, avec du matériel piloté manuellement.
les mesures à grande échelle, fortement répétitives, obligatoirement faites à l'aide de bancs de mesure informatisés permettant l'acquisition, le traitement et le stockage d'un grand nombre de données.
En fait, nous allons voir que ces deux catégories ont une bonne partie de leur mode opératoire en commun, et que la mise au point d'un banc de mesure automatique passe par un déverminage en mode manuel.
La chaîne de mesure est l'ensemble des éléments nécessaires pour connaître la valeur ou l'évolution de paramètres d'un système physique.
En pratique, et dans le cas des capteurs délivrant un signal électrique, une chaîne de mesure sera constituée des éléments suivants :
le capteur.
un câble de liaison.
une interface servant d'adaptateur d'impédance entre le capteur et l'étage amplificateur.
un étage amplificateur (faible bruit) destiné à amplifier les signaux généralement très faibles issus du capteur. Cet étage amplificateur aura aussi une fonction de conversion de mode (mode différentiel à mode commun) dans le cas d'une mesure en mode différentiel.
on peut trouver un étage conditionneur (ex : linéarisateur) si le capteur ne délivre pas une tension proportionnelle à la grandeur à mesurer. Il y aura aussi très souvent un système de compensation des dérives thermiques du capteur.
ensuite, on trouve quelquefois des filtres destinés à supprimer les signaux parasites issus du couple capteur/câble.
dans certaines chaînes, une interface réalise l'isolation galvanique entre le capteur et l'élément de mesure.
dans tous la plupart des cas, on mesure une tension : on trouve donc un voltmètre derrière l'amplificateur ou les conditionneurs.
enfin, il faut un système d'affichage pour donner la valeur de la mesure.
dans le cas d'un banc de mesures automatique, on trouvera en plus un micro-ordinateur servant à piloter les instruments, à faire l'acquisition des paramètres et leur traitement.
Il va de soi que tous ces éléments troubleront le moins possible la mesure : ils devront être précis, fidèles, le plus linéaire possible (faible distorsion), ne pas apporter de signal parasite (faible bruit), et avoir une dérive minimum en température, en hygrométrie...
Un instrument de mesure est un appareil qui va réunir tout ou partie de la chaîne de mesure. Souvent, il comprend toute la chaîne à l'exception du capteur et des câbles.
Il existe tous les degrés de modularité entre l'instrument monobloc (toute la chaîne y compris le capteur) et le système complètement éclaté.
Par exemple, le système d'affichage ne sera peut-être pas inclus : on aura juste une sortie en tension haut niveau (quelques volts ou centaines de mV) qu'il faudra brancher sur un voltmètre ou bien un oscilloscope.
On trouve maintenant sur le marché de plus en plus de capteurs "intelligents" : ce sont généralement des capteurs dont l'élément sensible est en silicium (exemple : capteur de pression piezo-résistif, constitué d'un pont de résistances diffusées dans du silicium micro-usiné), ce qui permet d'intégrer sur ce cristal de silicium, et juste à côté de l'élément sensible, les fonctions d'adaptation d'impédance, amplification, compensation thermique, linéarisation... Le capteur délivre alors directement un signal de tension haut niveau proportionnel au paramètre à mesurer. L'intégration permet en plus de diminuer les coûts et augmenter la miniaturisation, ce qui est intéressant pour les systèmes de mesure embarqués (aviation, spatial, automobile...)
Pour une même mesure, on va trouver sur le marché divers appareils qui seront soit monoblocs, soit modulaires : il faudra choisir celui qui convient le mieux, et le critère principal ne sera pas forcément la qualité de mesure, mais aussi la modularité, l'ouverture (veut-on accéder à des paramètres intermédiaires, sous quelle forme...), la compacité, le coût...
La modularité peut être un avantage si la chaîne n'est pas utilisée en permanence par une expérimentation particulière : on peut alors réutiliser des éléments pour plusieurs types de mesures.
Bien choisir un appareil de mesure n'est pas une tâche aisée, et nécessite une bonne
réflexion préliminaire !
Nous allons traiter la chaîne de mesure suivante :
Ce cas est relativement répandu, et ce qui va être dit ci-après est facilement transposable aux autres cas de figure.
Lors de mesures électriques directes (tensions), il n'y a pas de capteur.
Tous ces éléments (y compris les câbles, souvent négligés !) devront être choisis avec soin pour répondre convenablement au besoin : gamme de mesure, précision, rapidité...
Par exemple, si on propose de mesurer la température ambiante dans une pièce avec un thermocouple de type K ayant une plage de mesure de -270 à 1250°C et une précision de ±3°C, on va faire beaucoup rire, surtout si on donne toutes ces indications.
Pourtant, dans le milieu industriel, et derrière des baies de mesures impressionnantes de professionnalisme, il n'est pas rare de trouver ce genre de choses ! Et puis, qui oserait remettre en cause la valeur indiquée au 1/10ème de °C sur un afficheur de marque réputée ?
Dans tous les choix de matériel et toutes les mesures, une règle d'or s'impose : ne pas se laisser impressionner par une débauche de matériel. Il faut toujours être critique, et bien vérifier que toute la chaîne de mesure est homogène.
Il est tout à fait possible, avec de l'expérience, des idées et le sens du travail bien fait, de faire des mesures de bien meilleure qualité et pour beaucoup moins cher que si on se laisse happer par les sirènes du matériel "hi-tech".
Bien souvent, en mesure, on fait ce qu'on peut, et non toujours ce qu'on veut ! Ceci pour une excellente raison : le matériel de mesure coûte cher, très cher...
On essayera alors de faire un compromis acceptable entre performances et coût.
Autant que possible, il faudra adapter le capteur à la mesure, en termes de :
sensibilité
plage d'utilisation
répétabilité, hystérésis, fidélité
dérive en température, pression, humidité...
Dans la pratique, on disposera peut-être d'un capteur moins performant que ce qu'on avait spécifié à priori dans le cahier des charges, mais qui peut faire l'affaire tout de même. Cela évitera l'achat d'un nouveau capteur, et va dans le sens d'une plus grande standardisation de l'instrumentation disponible dans le laboratoire.
Par contre , il faudra faire la mesure en connaissance de cause, et tenir compte de la dégradation des performances dans les conclusions à tirer de l'expérimentation.
Pour reprendre l'exemple précédent, on peut mesurer la température d'une pièce avec
un thermocouple de type K si une précision de ± 3°C suffit. Il sera alors
inutile de mettre un afficheur ayant une résolution de 0,1°C, et surtout de
consigner dans le rapport des valeurs de température avec des décimales...
Nous avons déjà parlé des différents types d'instruments existants. On verra donc ce qui est déjà disponible dans le labo et si un compromis est réalisable sans acheter trop de matériel.
Il faudra néanmoins faire usage d'un instrument compatible avec le capteur :
sensibilité, gamme d'utilisation.
mode de câblage : capteur isolé, avec une borne reliée à la masse du montage, sortie en 1 fil + blindage, 2 fils, 2 fils plus blindage, montage en pont...
type d'entrée (sensible à la tension, au courant, à la charge électrique, à la résistance...),
impédance.
Le câble est un maillon de la chaîne qui est souvent négligé, à tort, car un câble mal adapté peut apporter beaucoup de perturbations dans les mesures, les principales étant :
impédances parasites chargeant le capteur (capacité parasite d'un câble coaxial par exemple). Ces impédances parasites forment un diviseur de tension avec l'impédance de sortie du capteur et modifient la sensibilité annoncée par le constructeur : la chaîne ne sera plus étalonnée convenablement. En plus, pour compliquer, ce défaut variera souvent avec la fréquence du signal...
bande passante inadaptée : pour des signaux rapides, il faut prévoir un câble permettant de transmettre des fréquences bien supérieures à celles constituant le signal afin de ne pas le déformer.
génération de bruit : la mesure d'un signal très faible dans une ambiance bruitée avec un câble non ou mal blindé peut être complètement faussée par des signaux parasites.
couplages : si on a plusieurs capteurs sur un équipement à mesurer reliés à une seule centrale de mesure, il faudra veiller à éviter des couplages parasites et minimiser les effets des boucles de masse.
Parfois, le fabricant de certains capteurs (par exemple des accéléromètre piézoélectriques)
fournit un câble spécifique (souvent fort cher !) destiné à les relier à un conditionneur
spécifique lui aussi. Il est impératif de respecter l'homogénéité de la chaîne, et ne pas faire de mesquines économies sous peine de déboires sévères. Lors
de l'achat, il faudra considérer la chaîne de mesure dans sa globalité, c'est à dire
câble compris
: on pourra ou non se l'acheter, mais dans tous les cas, il faut proscrire le bricolage.
Une erreur courante consiste à confondre résolution et précision.
La résolution est la variation mini du paramètre à mesurer qui introduira une modification dans l'affichage. Sur un afficheur numérique, ce sera un digit.
La précision va quantifier l'erreur maxi de mesure, à savoir la différence maximum entre ce qu'indique l'affichage et la valeur vraie du paramètre mesuré.
Pour reprendre l'exemple de mesure de température ambiante avec un thermocouple, on pourra avoir une résolution de 0,1°C et une précision de ±3°C : l'afficheur donne le 1/10ème de degré, mais l'affichage pourra être différent de ±3°C par rapport à la vraie température de la pièce.
L'afficheur peut par exemple indiquer 23,6°C pour une température vraie de 26,1°C.
Les afficheurs numériques actuels ont un effet intimidant dû au nombre impressionnant de digits affichés. Il ne faut jamais perdre de vue que souvent, les derniers digits sont complètement faux. Il est alors inutile de les consigner dans un rapport, et pis, il est aberrant de tirer des conclusions sur l'évolution d'un paramètre si les variations enregistrées sont inférieures à la précision de la chaîne de mesure.
Là encore, ce propos risque de faire sourire ; et pourtant...
Grâce à l'électronique, il est tout à fait possible de protéger des équipements de mesure contre des fausses manuvres : par exemple, il faut être vraiment très maladroit pour endommager un oscilloscope !
Par contre, pour du matériel à très grande sensibilité, ces protections ne sont pas faisables, car elles introduiraient des perturbations trop grandes vis à vis des signaux à mesurer (courants de fuite, tension parasites...).
Ce matériel sensible est donc très fragile. Et en général, il est aussi très cher... Il faut donc se poser toutes les bonnes questions avant de brancher !
On pourrait se demander quelle est l'utilité d'un tel paragraphe : pour mesurer un paramètre d'un système donné, il suffit de mettre le capteur en place, de le relier à l'instrument de mesure, on branche le tout, on relève la valeur, et c'est fini...
Hé bien non ! C'est pourtant ce qu'on voit très souvent.
En mesure, il existe un principe de base : il faut rester critique vis à vis de son montage et des résultats observés.
Souvent, plutôt que de se contenter d'une seule mesure, il faudra la répéter dans diverses conditions pour se faire une idée de l'influence de chaque maillon (capteur, câble, instrument...), de l'environnement (parasitage, température, hygrométrie...), et essayer de déterminer la configuration donnant les résultats les plus vraisemblables.
On peut tomber sur deux cas de figure :
soit on "connaît" le résultat qu'on doit obtenir, et alors, il sera aisé d'éliminer les configurations donnant des résultats fantaisistes. Ce cas se présente en général quand on a déjà fait des mesures similaires. Sinon, il ne faudra pas hésiter à aller consulter un collègue ayant de l'expérience dans le domaine considéré. La confrontation des idées et des résultats peut ainsi être bénéfique à tout le monde.
le deuxième cas est beaucoup plus critique : on ne sait pas du tout où on va. Le mode opératoire indiqué ci-après est alors très fortement conseillé !
Lorsque c'est possible et que cela n'entraîne pas des dépenses prohibitives (penser au prêt ou à la location de matériel), on peut faire des mesures avec des capteurs différents, associés à des câbles différents et des instruments différents. La technique des plans d'expériences pourra ici apporter un plus, notamment pour ce qui est des interactions entre les maillons de la chaîne : en effet, un câble pourra donner d'excellents résultats avec un capteur donné et perturber complètement un autre capteur. Ce n'est pas la valeur intrinsèque du câble qui est à mettre en cause, mais son association avec le capteur.
Pour les capteurs sensibles au positionnement (capteurs de température, accéléromètres...), il faudra tester l'influence de l'emplacement et de la fixation de ces capteurs.
Certains appareils possèdent des réglages concernant la bande passante du signal : on pourra tester ici leur effet : réduction de bruit et stabilisation de la mesure, ou alors modification importante du signal (amplitude, phase, forme...)
Si tous les résultats convergent, c'est très bien : on retiendra les outils qu'on maîtrise le mieux, ou bien les moins chers...
Si les résultats sont différents, il faudra étudier tous les cas un par un, essayer d'expliquer les résultats obtenus, et détecter les sources d'erreurs.
Cette phase d'analyse ne représente que trois lignes dans ce cours ; mais il ne faut pas se leurrer : sur une "manip" un peu pointue, cela peut prendre des semaines...
Le fait de tester plusieurs configurations différentes aide beaucoup dans cette phase de recherche. Par exemple, si une cause d'erreur est la capacité parasite d'un câble, on peut la cerner en faisant un test avec un câble beaucoup moins capacitif. On essayera avec des calculs simples et d'après les spécifications du matériel testé de quantifier (au premier ordre) les erreurs et de voir si ce calcul corrèle avec les mesures.
On pourra ainsi petit à petit trouver toutes (soyons optimistes !) les sources d'erreur,
et surtout, se faire une expérience des problèmes rencontrés qui sera bien utile
à la prochaine expérimentation.
Cette deuxième phase se fera en fait en même temps que la précédente, car tout est lié.
Pour chaque configuration testée, on va s'assurer que la mesure est reproductible.
Le premier point trivial à vérifier est la stabilité de la mesure : si l'afficheur varie en permanence, ou si la courbe d'un signal tangue sur l'oscilloscope, il faut tout de suite en chercher les raisons avant d'aller plus loin. Il faudra vérifier notamment la bonne mise à la masse des capteurs, des câbles et des instruments.
Ensuite, on devra répéter la mesure un certain nombre de fois sur une pièce témoin et juger de sa dispersion à l'aide d'outils statistiques simples comme la moyenne, le mini, le maxi, l'écart type, et éventuellement tracer la courbe de distribution des valeurs obtenues.
Il ne faudra bien entendu pas oublier de faire des test dans des conditions climatiques différentes : par exemple, mesurer précisément des résistances ayant un coefficient de température important nécessite des précautions. Le labo peut être froid le matin, mais bien ensoleillé l'après midi. Quelques degrés d'écart peuvent rendre caduques bien des digits d'afficheur...
De même, sur des montages à très haute impédance (mesure d'isolation par exemple), une humidité non contrôlée peut avoir une incidence importante : il faut y penser... et y remédier si possible.
On pourra (si les conclusions ne sont pas à rendre pour la veille, comme on le voit fréquemment dans l'industrie !) tester la répétabilité dans le temps et quantifier les éventuelles dérives.
A ce titre, quand on fait régulièrement des mesure avec le même matériel, le premier
test à faire est de remesurer l'élément qui a été passé sur le banc lors de la campagne
précédente. Normalement
, le résultat doit être le même... Si ce n'est pas le cas, il faut passer tout le
banc de mesure au peigne fin jusqu'à ce qu'on trouve les sources de divergence.
Ne jamais se fier aveuglément aux indications d'un appareillage sophistiqué . Dans la mesure (si on peut dire !) du possible, on devra essayer plusieurs types de manipulations permettant de corréler les résultats, et comparer autant que possible ces résultats ainsi que les protocoles d'expérimentation avec des collègues ayant une expérience similaire.
Et surtout, si nos essais nous amènent à des conclusions "bizarres", révisons notre copie avant de la publier.
Par exemple, si nos résultats nous entraînent à remettre en cause le principe d'attraction universelle, pensons d'abord à l'erreur de mesure, et ensuite au prix Nobel...
J'en voit qui sourient... La fusion froide, ça vous dit quelque chose ?
P.S : il ne pas se sous-estimer quand même, ni laisser de côté sa créativité. Parfois, c'est vraiment le prix Nobel qui attend au bout des mesures...
gain de temps.
on évite l'ennui de refaire plusieurs fois la même chose.
une fois que le banc est au point, l'automatisation garantit une bonne répétabilité dans les mesures, et évite les erreurs de manipulation.
Par contre, la mise au point de ce banc devra être faite avec le plus grand soin, et on fera en parallèle avec le banc des mesures manuelles dans diverses conditions pour vérifier la fiabilité des résultats obtenus.
des instruments de mesure télécommandables par un ordinateur, via une liaison série ou un port GPIB (ou autre...).
un ordinateur qui servira à commander les instruments et à récupérer les données mesurées. Il servira ensuite soit à faire du traitement des données en différé (traitement mathématique, affichage de courbes...), soit à les traiter en temps réel dans le cas d'un contrôle de processus. Dans ce dernier cas, l'ordinateur va aussi servir à piloter le processus industriel.
souvent, on remplace l'instrument de mesure traditionnel par une carte d'acquisition de données qu'on fixe dans l'ordinateur. Ces cartes sont très utilisées quand on a beaucoup de mesures à faire en parallèle, car elles possèdent un grand nombre d'entrées configurables par logiciel depuis l'ordinateur (réglage de la sensibilité, du type de mesure simple ou différentielle...). Quelquefois, ces cartes incluent des conditionneurs de capteurs à l'entrée (notamment pour les thermocouples).
certains bancs de mesure (pour la qualification de produits notamment) comportent
des machines climatiques (chaleur, froid, humidité...) qu'on choisira de préférence
pilotables par l'ordinateur.
Le problème de ces bancs, c'est que rien n'est accessible simplement ; s'ils ont été mis au point par une tierce personne, la documentation est généralement déficiente (quand elle existe), et en particulier, on ne connaît pas trop les limites de validité des mesures.
On donne donc quelque chose à mesurer en pâture à la machine qui recrache un résultat aseptisé et emballé à l'autre bout. Et on ne sait rien de ce qui s'est passé dans les entrailles de la machine.
Là encore, il ne faut surtout pas se laisser impressionner par une machine haut de gamme fournissant à la vitesse de l'éclair des résultats avec 18 décimales et des courbes en 3D et en couleur !
Derrière ces résultats rutilants se cachent parfois des erreurs de mesure grossières.
De plus, les gens mettant au point ces bancs sont plus souvent informaticiens qu'électroniciens
ou spécialistes en mesure. Ils privilégient souvent l'interface au détriment de la partie instrumentation ou traitement des résultats (du point de vue mathématique
ou statistique). La plus grande prudence s'impose donc !
Mettre au point soi-même un banc de mesure est par contre quelque chose de passionnant. Il faudra s'armer de patience et de ténacité, mais le résultat en vaut la chandelle.
Si ce banc doit servir à d'autres utilisateurs, on soignera particulièrement la documentation, et notamment la description des traitements effectués, et les limites de validité de la précision annoncée.
Pour toute la partie instrumentation, revoir ci-dessus. La seule différence proviendra de l'aptitude des instruments à être pilotés par ordinateur.
On choisira le type de pilotage en fonction des ressources disponibles sur l'ordinateur
(carte GPIB, liaison série disponible, autre carte...) et du flux de données qu'on
aura à gérer (temps réel ou pas, fréquence d'acquisition élevée ou faible, un ou
plusieurs paramètres à mesurer simultanément...).
Le plus gros problème qu'on rencontrera lors de la mise au point du banc sera dû aux
phénomènes de couplage par impédance commune. En effet, tous les appareils composant la chaîne de mesure et
de traitement sont reliés à la même masse qui est généralement la terre (ce sont des
normes de sécurité imposées aux fabricants de matériel de mesure). On sera parfois
obligés d'isoler certaines parties de la chaîne à l'aide d'amplis d'isolation ou
de travailler en différentiel.
Si on utilise des cartes d'acquisition à mettre dans l'ordinateur, on se rappellera que celui-ci est un milieu extrêmement perturbant : fréquences de fonctionnement élevées, commutation, alimentation à découpage, ventilateur...
Bref, il vaudra mieux pré-conditionner les faibles signaux (les amplifier, filtrer
et délivrer sous faible impédance) avant de les envoyer sur ces cartes d'acquisition.
Si ce banc doit utiliser un équipement climatique (enceinte thermique chaud/froid par exemple), on fera très attention aux phénomènes de condensation et de givre. Si on doit faire des mesures à chaud et à froid, il faut commencer par le chaud : le matériel testé va sécher convenablement ; ensuite, on fera le test à froid : pas de problème de givre. Ne jamais ouvrir l'enceinte climatique à froid : givrage instantané garanti dû à l'humidité de l'air ambiant ! Lors d'un retour à température ambiante, ce givre va fondre et "noyer" le montage, provocant des courants de fuite importants, et pouvant endommager certains équipements sous test.
Il faudra aussi tenir compte de l'hystérésis en température du matériel testé, et
donc faire un cycle thermique complet avant toute mesure de façon à toujours se trouver
dans les mêmes conditions de mesure. On évitera ainsi des écarts difficiles à interpréter.
C'est un des aspects essentiels de la mise au point du banc : il est évident que lorsqu'on mesure deux fois la même pièce sur un banc, le résultat doit être le même. Eh bien une fois de plus, ce n'est pas toujours le cas !
L'ordinateur de pilotage va nous être ici d'un grand secours : il va pouvoir faire seul un grand nombre d'acquisitions du même paramètre, et nous aider à traiter statistiquement les données.
Dans la majorité des cas, la distribution des résultats obtenus aura la forme suivante (exemple de mesures d'une résistance) :
Fig. 1. Distribution des mesures d'une résistance
C'est la loi normale ou loi de Gauss. Elle est entièrement caractérisée par deux paramètres :
la moyenne, qui est égale à l'abscisse de l'axe de symétrie de la courbe : sur l'exemple, c'est 420.
l'écart type, qui est représentatif de la dispersion des valeurs. Dans l'exemple donné, il est de 5.
Ces deux paramètres se calculent à l'aide de toutes les valeurs obtenues par la mesure.
On remarque qu'on a très peu de mesures en dessous de 405 (valeur de la moyenne moins 3 écarts type) et au dessus de 435 (moyenne plus 3 écarts type).
La théorie de la loi normale nous dit que la probabilité de trouver des valeurs hors de cet intervalle de ±3 écarts type est inférieure à 3.
Dans la pratique, il faudra faire en sorte que la dispersion des mesures (à ± 3 écarts type) soit inférieure au dixième de la précision désirée pour faire la mesure.
Par exemple, si on veut mesurer des résistances à ±3%, il faudra que l'écart type de la mesure soit inférieur ou égal à 0,1% de la valeur de la résistance mesurée.
Si on reprend l'exemple de la figure 1, la répétabilité du banc est de ±3,5%. Il serait illusoire de prétendre faire des mesures de précision avec une telle dispersion !
Cette notion de répétabilité est importante surtout pour les équipements de test en production : il ne faut pas que l'incertitude de mesure du banc soit importante vis à vis des tolérances des produits mesurés. Si tel est le cas, une pièce testée plusieurs fois pourra être tantôt bonne, tantôt mauvaise. C'est ce que l'on nomme les DNR (défauts non reproductibles). Plus la distribution des mesures est étroite, moins on aura de DNR.
Attention : il ne faut pas confondre répétabilité et précision. Une mesure peut être imprécise mais très répétable : la mesure d'une résistance de 420 sur un banc peut être comprise entre 440 et 440,4. La précision est de +5%, mais la répétabilité est de 1.
En règle générale, la précision va être déterminée par les caractéristiques du capteur et de l'instrument de mesure.
La répétabilité dépendra de paramètres tels que l'hystérésis des appareils constituant la chaîne, du câblage (bruit issu de sources de perturbation extérieures), et encore des tensions de mode commun mal maîtrisées, des résistances de contact fluctuantes et non prises en compte dans la mesure...
Il vaut mieux avoir une mesure imprécise mais très répétable que l'inverse. Les causes d'imprécision sont plus faciles à identifier, et éventuellement pourront faire l'objet de compensations par l'informatique de traitement du banc : auto-zéro, auto-calibration de la chaîne de mesure...
Une non répétabilité dénote un ou plusieurs paramètres très mal maîtrisés. Se lancer
dans des mesures à grande échelle dans ces conditions est hasardeux, car des dérives
supplémentaires sont prévisibles.
On procédera de la même manière que pour les mesures en mode manuel pour ce qui est du choix des instruments.
On se rappellera que l'ordinateur de traitement est perturbant : on ne lui confiera pas de signaux "fragiles" (bas niveau et/ou haute impédance).
On apportera un soin particulier à la répétabilité des résultats en s'aidant d'outils statistiques. Une mauvaise répétabilité n'est pas bon signe : la chaîne de mesure est mal maîtrisée, et tôt ou tard, on va le payer.
On soignera d'abord la qualité de la mesure, et ensuite, on peaufinera l'aspect informatique (ergonomie, présentation...). On ne peut faire du bon travail qu'avec des données saines !
Il est clair qu'il s'agit là d'un exposé un peu académique, et que dans la pratique, on n'aura peut-être pas le temps ni les moyens de le mettre en uvre.
Il faudra aussi faire le tri en fonction de la difficulté de la mesure à faire, et cette aptitude à savoir faire l'impasse ou non sur telle procédure viendra avec l'expérience ; on ne traitera pas de la même manière la mesure d'une résistance de 1k et celle d'un courant de fuite voisin du nA à -30°C...
Toutefois, la prudence reste un excellent conseiller du spécialiste en mesure, et il faudra se garder de sous-estimer la difficulté : des manips paraissant simples à priori à un débutant pourront en fait être très délicates.
On ne le répétera jamais assez : dans tous les cas, on aura intérêt à aller consulter les personnes ayant une expérience dans le domaine qu'on va aborder !